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12 août 2013 1 12 /08 /août /2013 17:37

En bref :

Papa étant occupé à verser le thé dans un petit verre, levant le bérèd (la théière) très haut afin de produire une belle mousse,  s’arrête, ses yeux vifs sont plantés sur Raouf, il sait d’avance qu’il va entendre des belles...

Le bain maure

Un récit de Nathan Bouhnik

Chaque fois qu’elle va au Hammam, le bain maure, maman m’emmène avec elle, ainsi que mon frangin Herzl. Elle est toujours accompagnée de ses voisines Latifa et Fatouma, et de son dernier fils, Raouf.

Comme nous avons une petite taille, on ne nous accorde pas d’importance à l'entrée, et pourtant nous sommes âgés de sept ans Raouf et moi. Il se peut que nos mères aussi nous prennent pour des gosses. Les mamans nous lavent, nous passent un shampoing et tout cela sans payer le billet  pour les marmots que nous sommes et nous  bénéficions en sus  d’une entrée gratuite, offerte gracieusement par la direction du hammam, du spectacle sans prix des majas nues.

Mes yeux s’ouvrent tout grands devant les trésors pornographiques étalés devant moi. Je ne perds pas une miette, et je veux regarder les belles rondeurs appétissantes de plus prêt, le plus prêt possible. Comme mes lunettes de myopie ne sont pas sur mon nez, et n’offrent pas un surplus de ce beau spectacle à ma vue curieuse, je trouve un stratagème pour m’approcher : je fais le service des laveuses et j’apporte du savon à ces belles dames, du tfol (le shampoing de l’époque), de l’eau chaude dans des casseroles trop lourdes pour mes bras, je tends les serviettes et propose divers menus services gratuits en plus.

Les dames du hammam me trouvent charmant, et discutent avec moi, tout en souriant à belles dents blanches, Colgate si j’ose dire.
— Quel âge as-tu mon beau jeune homme ?
—  Quatre ans et demi, dis-je, mentant effrontément.
— Comme il est dégourdi pour son âge, il a l’intelligence d’un garçon de dix ans, j’entends dire.
Raouf, mon ami utilise les mêmes trucs que moi, ayant lui aussi la baby-face d’un bambin.

C’est avec regret que nous nous habillons pour partir, laissant derrière nous tous ces fruits alléchants que le Seigneur a créés, pour nous gâter. La séance ne se termine pas là, car à la maison mes frères Simon et Freddy veulent avoir des détails de notre randonnée. Simon qui avait fait les bains analogues, sait très bien de quoi il s’agit.
Raconte, frère, nous sommes tout oreille, alors dévoile ton récit.
Je ne me fais pas prier. Je leur raconte plein d’enthousiasme et ils meurent d’envie d’écouter.
— Mes frères, c’est si beau ! Les jeunes sont élancées, leur beau postérieur bien balancé est bien ferme avec des galbes qui font rêver. Leurs tétons sont en forme de poires épanouies, avec des jolis boutons bruns au bout. Et elles ont la taille fine, et un petit triangle poilu, là où se termine le bas ventre et où les jambes commencent à se détacher. Des gouttes d’eau ruissèlent sur leurs corps de nymphes. Je voudrais avoir dix-huit ans pour les relancer, mais si j’étais plus âgé, je ne serai pas entré dans leur beau palais.
Simon et Freddy écoutent et boivent mes paroles. Simon me prenant à part me dit :
— Ne raconte rien de tout cela à personne, seulement à moi et Freddy, sinon tout ce beau spectacle disparaitra comme de la fumée.
Je promets, et nous joignons nos mains, tous les trois, signant ainsi un pacte, jurant de garder le secret durant quarante ans...
— Parle aussi à Raouf, me conseille Freddy.

Je cherche Raouf, mais ne le trouve pas. Je l’attends mais en vain. Je repousse à une autre occasion, mon dessein de le conseiller.

Le soir papa et notre voisin Salem sont assis sur un tapis (une hassira), et sirotent leur the à la menthe garni de cacahuètes décortiquées. Papa prépare le thé comme de coutume. Il a acheté en route "tlet ou mia": c’est à dire un tiers d’once de thé et cent grammes de sucre. Cela se vend ainsi, tout prêt à Sfax dans n'importe quel étalage. Cette ration suffit à passer une veillée agréable, tout en préparant quatre tournées de thé fort et doux. Un vrai délice.

Fatouma et Latifa sont assises près de maman et elles bavardent de tout et de rien, les papotages féminins de tous les temps. C’est alors que Salem a une idée.

— Clément tu veux rire ? Appelons Raouf, il sait raconter des histoires drôles.
— Raouf ! Viens ordonne-t-il.
— Oui papa (enaâm ya baba).
— Où étais tu aujourd’hui  (fen kent el youm ) ?
— Au hammam papa (fel hamman ya baba).
— Et qu’as tu fais au hamman  demanda-t-il ?  (ech a’melt fel hammam ?)
— Oh ! Papa comme d’habitude je me suis baigné  (oumt ya baba).
— Avec qui ? (Ema’a chkoun ?)
— Avec maman et tata et d’autres femmes (ma’a oumi oua’mti, ouensha akhren).
Papa étant occupé à verser le thé dans un petit verre, levant le bérèd (la théière) très haut afin de produire une belle mousse,  s’arrête, ses yeux vifs sont plantés sur Raouf, il sait d’avance qu’il va en entendre des belles...
— Papa, raconte Raouf, Vivi (Nathan, pour les amis : Vivi) a prit l’aile des jeunes filles, et moi l’aile des femmes. Nous les avons aidées à se savonner, à faire un champoing. J’ai vu ya baba, des culs grands comme des étagères, de seins ressemblant a des gargoulettes, ou gat’om ya baba, (et leurs chats papa) étaient tout ébouriffés.
Papa regarde son ami Salem et lui dit :

— Nous devons parler, mon frère.
— Tu as raison Clément. Partez-vous amuser ! Nous demande-t-il.
Nous nous cachons et écoutons la conversation. Elle fut très courte.
— Ecoutez chères femmes, vos enfants ont grandi. Épargnez-leur les petites corvées du bain maure. C’est Salem qui s’adresse ainsi à sa femme et a sa belle sœur.
— Très juste, approuve papa.
Et de ce mot, il me prive de tant de délicatesses. En suivant les conseils de  mes frères à la lettre, j’aurai pu offrir mes services  à ces agréables dulcinées encore un an ou deux…

 

http://www.patrimoine-histoire.fr/images/Patrimoine/Vesoul/mMusGGarret/VesoulMGG33.JPGMusée Georges Garret

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