L'organisation Amit a pour but de conserver la Souvenir de la vie culturelle des
Juifs de Tunisie. Avec l'aide de dons et du parrainage de Mme Myriam Fieberg-Ikar, le maire de la ville Netanya, l'organisation a construit un Centre culturel qui se consacre à ces
fins.
L'espace est vaste fort bien entretenu et jouit d'un décor intérieur approprié. Il comprend une
synagogue, un édifice commémorant les victimes de la dernière Guerre Mondiale et un registre des évènements heureux ou pénibles survenus à la population Juive gravés sur le Mur
occidental.
Meir Cohen, Camus, Miri Elkalaï et Eyal Ortal (Photo Meir Cohen)
Dans ses projets d'avenir, dans la mesure où les donnateurs seront généreux, Amit voudrait
construire un nouvel étage au dessus du rez-de-chaussée, afin d'y abriter d'autres travaux.
Des activités diverses sont organisées dans ce complexe, comme par exemple un club pour
retraités qui viennent y discuter des dernières nouvelles et des sujets inscrits à l'ordre du jour, en sirotant un thé à la menthe ou en jouant à des jeux de société. D'autres viennent pour
participer à des activités culturelles diverses : on a déjà vu sur scène, des sketches basés sur des proverbes tunisiens, en langue mi judéo-arabe et mi française. On y entretient
aussi un forum d'internet qui a déjà vu sur page des récits d'auteurs Sfaxiens, parmi eux, Hédi Bouraoui et Claude Kayat.
La direction de l'organisme s'occupe surtout du pan historique concernant les
ressortissants de Tunisie en Israël et de la participation aux colloques opportuns. On y rencontre le Dr Arrari, Nessim Taïtou, Roger Aloni, Dr Victor Ayoun et Maître
Orthal.
Entre autres activités basées sur le volontariat, Amit a hébergé entre ses murs le Salon du
Livre Tune, projet conçu et organisé par Myriam Elkalay. Le département du livre n'est pas nouveau chez Amit, puisque on peut y acheter les collections francophones d'Amazone, par exemple.
Myriam qui est volontairement chargée du dossier culturel, a proposé d'accueillir à Amit le Salon du Livre Tune, elle a en outre accommodé cette activité et a été félicitée de toutes
parts.
Le Salon du Livre a été couronné de succès, non pour l'abondance de ses invités, ni
pour les nombreux visiteurs venus des quatre coins du pays et en dehors d'Israël. La réussite est due, à mon avis, aux auteurs qui fidèles au rendez-vous nous ont honoré de leur présence, assis
près de leurs stands, proposant leurs œuvres en langues hébraïque et française, poètes, nouvellistes, romanciers, chercheurs, historiens ou explorateurs. Le leitmotiv chez tous ces écrivains
est La Tunisie, notre vie dans ce pays, nos us et coutumes et la "Asrra", la connivence avec nos voisins de différentes confessions en général.
En observant les écrivains, j'ai perçu leur émotion de participer à ce meeting. C'est
le premier du genre. Maître Orthal, membre de la direction a reçu les convives, avec fierté non contenue. Dommage que les jeunes, descendants des émigrants Tunisiens n'étaient
pas de la partie. Ceux qui ont pensé qu'il faudrait atteler la nouvelle génération à la rescousse, ont dû être déçus.
Le musée d'Amit (Photo Meir Cohen)
Les auteurs.
Yaccov Hazan,recteur du Centre Van Lyre,
professeur de littérature, écrivain et critique littéraire, préside la séance d'ouverture. A son avis, les premiers Juifs sont arrivés à Djerba après la
destruction de Deuxième Temple. La Tunisie est connue dans les parchemins bibliques sous le nom deTharsis. A ce propos, il
rappelle le prophète Jonas dont la tragicomédie a droit à trois chapitres dans la Bible:
Prof. Yaacov Hazan (Photo Meir Cohen)
-- "Lève-toi ! Va à Ninive, la grande ville, et prophétise contre elle : car leur iniquité
est arrivée jusqu'à moi", ordonne Dieu l'Eternel. Jonas, qui connaît à l'avance le scénario, "se leva pour fuir à Tharsis, hors de la présence de l'Eternel"1.
Il y arrive rejeté par une baleine sur les rives de Tharsis.
Charlot Bar Tov a écrit son roman "Les Clefs" qui comprend deux parties. La
1ère raconte le roman d'amour impossible entre un jeune Juif Tunisien et une Allemande, lors de la 2ème guerre Mondiale. Ayant connu les
personnages véritables de cette tragédie, j'ai vite fait d'acquérir ce livre. La 2ème partie du livre raconte le retour de Charlot à Nabeul où il a retrouvé ses
voisins, des personnes connues et aussi le bedeau de la Synagogue qui lui a confié les clefs du lieu saint.
De gauche a droite, Charlot Bar-Tov, Nessim TaÏtou, Yaacov Hazan et Viviane Sémama
(Photo Meir Cohen)
Yossef Péri (Parienti) m'a vendu le second livre : Tounès blad el fel oul
yasmine. Le titre du livre parlant d'une randonnée en Tunisie sous la senteur du jasmin m'a cligné de l'œil. J'y ai trouvé maintes descriptions de villes et contrées, en
plus de lieux saints et de l'histoire des rabbins célèbres en Tunisie.
Shoshana Vegh est native
d'Ashkelon en Israël (1957). Sa mère est originaire du Kef et son père est ashkénaze. Shoshana professeur de langue hébraïque et de littérature au Lycée de Netanya, a
fait son master en littérature à l'université de Bar Ilan. Elle a pensé qu'étant seconde génération de mère Tune, elle trouverait sa place dans un des stands d'Amit. Elle a
été accueillie à bras ouverts. J'ai été attiré par deux de ses livres de poésie que j'ai achetés :
*Crops of Madness et *Are you for realm, écrits en hébreu, évidemment.
Viviane Semmama Lesselbauma écrit deux livres
historiques en français et elle a cherché parmi les convives un metteur en scène pour une pièce théâtrale qu'elle a édité.
D'autres écrits ont été présentés :
Hanna Cohen : "Les femmes en bleu".
Dr Myriam Guez Abigaïl: la poésie pieuse des femmes
Juives de Tunisie.
Menahem Krief: "L'homme aux neufs noms" en
français.
Le Rabbin Mikhaël Sitbonest l'auteur
francophone de "Mes deux passions, La Bible et la musique".
Tous les écrivains d'origine tunisienne n'étaient pas là, il y avait des
manquants et c'est dommage.
J'ai regretté l'absence du Professeur et historien Haïm Saâdoun fils
de Coco et d'Yvette de Sfax. J'ai rencontré Hâim Saâdoun quand il était âgé de trois ans, dans la rue Jérôme Fidèle dans le bureau de son père. Son oncle Moshé Bouhnik,
alias Bishi était l'une des plus belles mémoires de la Diaspora Sfaxienne. Sa tante Colette et sa mère Yvette sont les amies d'enfance de Marguerite Axisa, la
secrétaire générale de la Diaspora Sfaxienne.
Les œuvres traitant des coutumes des Juifs Tunisiens ont trouvé leur place
dans cet Espace Culturel d'Amit, les ouvrages et le nid, ont tout en commun.
Pour terminer un poème de Shoshana Vegh :
Paume
d'amour
Sortant de sa
coquille
L'escargot se pose sur ma
paume
Draps mouillés
d'écume
Et lettres
inversées
Mutent en
poésie
Par
enchantement,
Durant la
sieste
Emmitouflée
Dans la
couverture
Qui a connu nos
ébats
Je te revois en
souvenir
Toutes les eaux ne
viendront
A bout
Du feu de la
passion
Tu me
demandes
De donner
grâce
A l'escargot
?
1-Reuven (Roger) Cohen : "Lève toi, va à Ninive, la grande ville".
Sylvie Durbec (Texte) – Raouf Karray (Illustrations) et Abderrazak Kammoun. La
Naissance d'un voyage. Nîmes : Grandir, 2004. n.p.
Naissance d'un voyage est en réalité le voyage du ventre d'une maman jusqu'à la naissance de l'enfant. Dans ce texte la version arabe et la version française sont sur la même page, qui porte
en même temps les splendides dessins de Raouf Karray. La maman et le papa sont en général assez corpulents, un peu à la manière de Botero, mais avec des couleurs très méditerranéennes. Le texte va
du personnel et spécifique à l'universel, car tous les humains passent par toutes ces étapes. Il est intéressant de remarquer que le titre de la version arabe, c'est « Naissance d'une étoile. » Et
à la fin le petit garçon sur le dos de son père se demande « s'il peut attraper une étoile pour nous. »
Raouf Karray. Berceuses tunisiennes. Traduction en français de Hassan et Patricia Musa.
Nîmes : Grandir, 2008. n.p.
Les Berceuses tunisiennes sont présentées dans un cadre purement tunisien, avec le berceau, l'allaitement, la poussette, le transport du bébé sur le dos, et même les animaux se penchent
pour garder avec attention le bébé. D'autre part, le père laboureur met son bébé sur le dos d'un âne qui lui surveille ce petit trésor. Tout concourt à prendre soin de l'enfant-roi, ce qui est
l'attitude générale des parents africains vis-à-vis de leur progéniture. Ce livre d'art grand format, magnifiquement illustré par l'artiste sfaxien, s'ouvre d'une part sur la version arabe, de
droite à gauche, et la version française, de gauche à droite.
Raouf Karray. Hassan et Patricia Musa pour la version française. Devinettes
traditionnelles de Tunisie. Grandir, 2001. n.p.
Les Devinettes traditionnelles de Tunisie, au format à l'italienne, donc plus allongé, contient treize devinettes en français et en arabe, avec la réponse en dessin entre les deux pages.
Encore une fois, l'illustration est magnifique, et la devinette est facilement résolue. Il suffit à l'enfant de lire la peinture pour savoir que la réponse, c'est une « bicyclette, » « gargoulette,
» « charrue, » « sabot, » etc….
Raouf Karray (Illustration) – Françoise Diep (Texte). Tiguê Guêlê, Celui qui a la main dure : Contes du Burkina Faso. Aubais : Lirabelle, 2003. n.p.
Grande réussite du point de vue pictoral de ce conte du Burkina Faso. L'Afrique est ici présentée dans toute sa splendeur, ses cases et ses palmiers, ses oiseaux voraces et ses mouches.
L'histoire est éducative, car cet homme nommé Tiguê Guêlê signifie « Celui qui a la main dure, » ce qui veut dire un homme avare. Son avarice va le mener à sa perte, car au lieu de partager le
cadeau qui lui a été offert, il va s'enfoncer dans la jungle avec son fils pour le manger tout seul. Il finira par être avalé lui-même par un oiseau géant.
Canada‐Maghreb Centre Bulletin - 9 - La leçon : Il ne faut jamais enfreindre aux lois sacrées de l'hospitalité africaine, surtout lorsqu'il s'agit de nourriture. C'est ainsi que Tiguê Guêlê est puni.
Ces très beaux livres d'art, cartonnés et reliés, ont été offerts à notre fondateur du CMC : Hédi Bouraoui.
Nous remercions les éditeurs, et plus particulièrement M. Raouf Karray, pour ce très beau don.
N.B. Nous recommandons vivement à tous ceux et celles qui voudraient acquérir ces livres d'art de contacter :
Éditions Grandir
2 Impasse des Soucis
30000 Nîmes
France
Tél : 04 66 84 01 19/ fax : 04 66 26 14 50
e-mail : edgrandir-art@wanadoo.fr
site internet : www.editionsgrandir.fr
Ma tante Rosette, précédemment membre de ce forum, nous a quitté petit à petit, après une longue maladie, une sorte de mort lente. Combien même,
nous nous y attendions, la pensée qu'elle n'est plus, nous peine énormément.
Après avoir déjeuné, de fricassés - comme de bien entendu -
accompagnés de limonade, non loin du Théâtre Municipal, nous avons passé un long moment sur la terrasse du café de la place qui fait face à la Municipalité, en sirotant des petits verres de thé à
la menthe. Pas une femme n'y est assise. On ne voit que des hommes. Partout en Tunisie il en est ainsi. A part à Tunis et dans ses banlieues huppées.
Alors que font donc les jeunes femmes qui travaillent dans les administrations à l'heure
de la pause déjeuner ? C'est simple : elles passent et repassent devant les cafés où les hommes sont installés et qui semblent apprécier ce défilé. "Il n'est pas respectable que les femmes
s'installent au café, m'a-t-on répondu. Aucun fiancé n'oserait inviter sa promise à la terrasse d'un café. C'est très mal vu. Ici la tradition joue beaucoup. A Tunis, c'est autre chose. C'est
peut-être une des raison pour laquelle les jeunes nous quittent pour Tunis".
"Et le fait que les hommes installés au café "zieutent" les jeunes femmes qui "défilent"
devant eux, est plus respectable ?"
Je ne reçois qu'un haussement d'épaules pour toute réponse à cette question désobligeante.
Est-ce à dire que Bourguiba n'a pas réussi à changer le statut social de la femme, hors de Tunis ? Pas le moins du monde ! Au contraire, je crois qu'il nous faut convenir que les bases de béton
auxquelles il a scellé Le Statut de la Femme, il y a plus de 55 ans étaient inébranlables et le sont encore malgré les velléités islamistes.
Son successeur, le Président Ben Ali, les a encore renforcées.
Il faut reconnaître, que la Tunisie est le rare pays musulman où les femmes ne portent ni
le voile ni le foulard. De plus il suffit de les regarder passer pour reconnaître qu'elles semblent, non seulement bien dans leur peau, mais de plus, sûres d'elles-mêmes. J'en conviens, qu'à part
"quelques futilités" du genre "Terrasses des cafés", qu'elles concèdent encore au passé, les femmes tunisiennes, comme je le fais remarquer à mon interlocuteur aux épaules nerveuses, semblent
être attachées au progrès plus que les hommes qui, dans la périphérie, me semblent plus apathiques encore que dans les grandes villes. "Mafiche khedma (il n'y a pas de travail) m'a donné hier
comme explication à ce phénomène notre chauffeur Hédi", à qui je demandais pourquoi les cafés sont fréquentés par tant d'hommes, qui semblent à ce point avachis sur leur chaise.
Nous décidons de prendre une pause à notre hôtel et de consacrer le reste de l'après midi et du début de la soirée "à labourer" à pied le Centre Ville, a partir de la Gare
Ferroviaire Sfax-Tunis et jusqu'au Behar El Kerkenah, l'ex "Petit chenal". Nous avons donc donné à Hédi quartier libre, jusqu'au lendemain matin.
Chose étrange, on ne nous permet pas de photographier à la gare. Sans explication.
Je parlemente pour comprendre, mais mon fils intervient "Laisse tomber, Papa, ils doivent avoir reçu des consignes de sécurité !" Le mot magique. Il suffit de le prononcer pour que tout le reste
se réduise à néant. Et cela dans tous les pays. Il y a cinquante ans encore ce mot n'était utilisé que pour les vitres épaisses qui servaient à la fabrication des vitrines de boutiques ou des
pare-brise des voitures.
Nous redescendons donc, sans perdre de temps, le boulevard en direction du centre ville,
dépassons ce qui fut Le Contrôle Civil à l'époque du Protectorat, puis la nouvelle Poste,
le nouvel Hôtel qui la suit, et, dépassant la Municipalité, nous pénétrons au coeur du Centre ville qui étouffe sous la quantité d'immeubles. C'est là que nous pensons "faire" les galeries, dans
ces mini centres commerciaux, à la découverte de quelques souvenirs sympas. Déception. Nous sommes étonnés de la quantité d'articles de qualité médiocre, provenant de Corée et de Thaïlande, que
proposent les commerçants.
Les articles de meilleure qualité, nous les trouvons dans les boutiques de l'ancienne rue des Belges, où je recherche ce qui fut, il y a plus de 55 ans, le local de notre Mouvement
de Jeunesse, et dans les rues qui lui sont parallèles. Ces rues étroites sont surchargées de voiture.
Elles n'ont jamais été élargies. Jadis, il était agréable de s'y promener.
Aujourd'hui elles nous font fuir. Il est regrettable que l'on n'ait pas pensé à les
transformer en rues piétonnes pour attirer les gens et les motiver à acheter. "C'est peut-être que les gens n'ont pas les moyens d'acheter, me dit mon fils."
Nous essayons de nous conduire en touristes. Mais point de tissages locaux, de produits
artisanaux locaux. Je pense qu'il faut les chercher peut être dans la Médina. C'est dire combien le touriste est abandonné à son sort, et combien son porte monnaie est peu sollicité. Le manque de
travail, dont parlait Hédi, est donc structurel et non conjoncturel.
Face au quai de Bekhar El Kerkenah, je découvre un disquaire qui semble connaître son
métier. Nous parlons donc de musique tunisienne. Dans un français entrecoupé d'arabe nous essayons de parler musique. A son avis, la musique tunisienne est balayée par la musique égyptienne - et
même par la musique occidentale. L'influence de la musique berbère et celle de la musique andalouse sur les créateurs tunisiens a, depuis belle lurette, cédé le pas à la nouvelle musique
égyptienne et libanaise. "Et la musique africaine, alors, lui dis-je, elle aussi n'a aucune influence sur eux ? Pourtant certains musicologues…" Il éclate de rire. "Oui me répondit-il, sur
quelques œuvres académiques qui n'ont rien à voir avec la musique que la plupart des gens écoutent et apprécient et qui, elle, est cette musique tunisienne que vous recherchez".
En fin de compte, j'achète un disque de Fairouz, la grande chanteuse libanaise, que l'on
entend à tous les coins de rue, dans les cafés et à la radio, et deux disques de deux chanteurs tunisiens qui s'accompagnent de leur luth.
Sur la route du retour à l'hôtel, nous empruntons les petites ruelles. Elles n'éveillent
en moi aucun souvenir. Nous profitons que le Fast food, ex "Pâtisserie Descloux", se trouve sur notre route, pour nous arrêter un moment. Nous allongeons les jambes sous une table en dégustant
une limonade. Cette longue incursion au Centre Ville qui n'a rien ajouté à nos recherches, nous a plutôt déçus par rapport à la matinée, qui fut plus que réussie. Nous sommes fatigués. La
limonade du fast food n'est pas assez fraîche, et mon fils fait la moue parce que j'ai tenu à consommer ici, alors que notre hôtel "classe" se trouve à cinq minutes. Je lui avoue que j'ai cherché
à recréer une certaine atmosphère, celle de la Pâtisserie Descloux dont m'avait parlé ma mère, et que c'est raté !
Nous dînons à l'hôtel, dîner festif d'adieu à ma ville natale, dîner léger mais délicieux,
preuve que les chefs cuisiniers ne manquent pas en Tunisie, et préparons la journée du lendemain. La matinée sera consacrée encore à Sfax, et le reste de la journée à la route du retour vers
Tunis par la côte, qui nous mènera à visiter Mahdia, la Ville Forteresse sacrée du Mahdi, Monastir, la Ville du Président Bourguiba, pour atteindre la Capitale au crépuscule, dans cette
atmosphère d'enchantement de l'Entrée Sud de Tunis, que décrivait déjà André Gide, en 1893, et qui n'a pas changé.
Un dernier coup d'œil et une photo, le lendemain, en signe d'adieu de la fenêtre de ma chambre, dans le petit matin blafard, et nous filons vers l'Ancienne Gendarmerie où habitaient
mon oncle et ma tante et leur petit garçon. J'ai passé des moments inoubliables dans ce quartier où les enfants de mon âge
avaient organisé une équipe de foot pour imiter celle des cheminots, le S.R.S, dont j'ai
déjà parlée. La maison est là, abandonnée et fermée pour éviter les éboulements. On s'apprête à la démolir. Les vieilles maisons qui la côtoyaient ont été remplacées par des immeubles neufs. Mais
le Café des Ouvriers, où les cheminots passaient boire un verre, est encore occupé par un
atelier de réparation de crevaisons. A gauche de son entrée je reconnais le coin où Didekh préparait ses fameuses briks à l'œuf et à la pomme de terre, que nous dégustions en guise de goûter au
retour de l'école ou après un match de foot.
Occupés à photographier et à filmer nous ne prêtons pas attention à ce passant qui
s'arrête à notre hauteur. C'est lui, bien entendu, qui ouvre la conversation et qui, comme ceux qui nous ont abordés au cours de ce voyage, nous demande si c'est là notre maison que nous
photographions. Puis, sans attendre notre réponse, il nous dit regretter que nous ayons quitté Sfax, "Alors que nous vivions tous en si bonne entente, Arabes, Juifs, Français et Italiens !
Dommage ! Il y avait du travail pour tous et chacun y trouvait sa place !
" J'évite de nouveau de plonger dans une conversation politique, et je lui réponds que "Le
Mektoub" en a décidé ainsi. Il hoche de la tête avec tristesse comme pour exprimer, qu'en effet, contre lui on ne peut rien faire ! Il nous conseille alors d'aller visiter le projet "Tapurara" à
l'ancienne Plage de la Poudrière qui est tout à coté. "Je connais la plage, lui dis-je, j'y passais l'été, tous les ans, et afin de clore la conversation, le remercie pour son renseignement".
Mais il a soif de parler avec nous et ce n'est qu'au bout de près d'un quart d'heure qu'il lâche prise.
Nous filons donc vers la Plage de la Poudrière qui est à deux pas.
La plage n'existe plus. Tout est occupé par des maisons basses ou par des immeubles d'habitations. Ce qui animait les belles nuits d'été des Sfaxiens, les deux petits cabarets
dansants, l'Hacienda et le Pavillon d'Or ont, bien entendu, eux aussi disparu. Ils se trouvaient aux deux extrémités de la longue plage occupée par les cabines de bain
Le nouveau projet du dessèchement de la mer et de la transformation de la côte sfaxienne
en une longue plage et en une marina touristique a tout effacé.
Le projet Tapurara est en effet imposant. Il semble que la Municipalité ait décidé de
construire une marina touristique à Sfax à la mesure de Port Kantaoui dans la banlieue de
Sousse. J'en conclus que les riches propriétaires des oliveraies et des usines d'huile d'olive et de savon, qui font aussi la richesse de Sfax, sont arrivés à la conclusion que pour diminuer le
chômage et éviter les remous sociaux, rien n'est plus efficace que le tourisme conçu comme une industrie de pointe dans ce pays qui possède tous les éléments pour réussir en ce domaine. Dans le
journal "Le Temps" du 30 octobre 2008 (pendant tout mon voyage en Tunisie j'ai lu les quotidiens en langue française pour sentir le pouls du pays), il est rapporté que le Conseil ministériel sous
la Présidence du Chef de l'Etat a décidé d' "Un plan intégral de développement des îles Kerkennah". Aucun doute qu'avec le projet Tapurara, la région de Sfax a des chances d'attirer de nombreux
touristes.
Je me dis que peut-être un jour, mes petits enfants feront de la voile sur les côtes tunisiennes. Ils jetteront l'ancre dans la future marina de Sfax que le projet Tapurara
construit, et raconteront à leurs camarades que leur Grand Père est né dans cette ville, dans une villa de la route de Mahdia, non loin de cette plage. Qui sait ?
Vers 11 heures, nous achevons notre périple de deux jours et demi à Sfax, et par la
fameuse route de Mahdia nous nous dirigeons vers Tunis. Nous filons vers La Chebba, dont la plage fut depuis toujours très appréciée des sfaxiens qui aimaient y villégiaturer, et dont le nom
provient de la confrérie religieuse de la Chabbia, qui fut très puissante au 16ème et au 17ème siècle.
A l'occasion des vacances qui approchent Une chansonn de fin d'année
LA MAITRESSE D’ECOLE
A l'école_où nous_avons_appris l'A B C La maîtresse_avait des méthodes_avancées. Comme_il fut doux le temps, bien_éphémère hélas ! Où cette bonne fée régna sur notre classe, Régna sur notre classe.
Avant_elle, nous_étions tous des paresseux, Des lève-nez, des cancres, des crétins crasseux. En n’travaillant_exclusivement que pour nous, Les marchands d'bonnets d'âne_étaient sur les genoux, Etaient sur les genoux.
La maîtresse_avait des méthodes avancées : Au premier de la classe_ell’ promit_un baiser, Un baiser pour de bon, un baiser libertin, Un baiser sur la bouche,_enfin bref,_un patin, Enfin bref,_un patin.
Aux pupitres_alors, quelque chose changea, L'école buissonnière eut plus jamais un
chat. Et les pauvres marchands de bonnets d'âne, crac ! Connurent tout à coup la faillite, le krach, La faillite, le krach.
Lorsque le proviseur,_à la fin de l'année, Nous lut les résultats, il fut bien_étonné. La maîtresse,_ell', rougit comme_un coquelicot, Car nous_étions tous prix d'excellence_ex-æquo, D'excellence_ex-æquo.
A la récréation, la bonne fée se mit En devoir de tenir ce qu'elle_avait promis. Et comme_elle_embrassa quarante lauréats, Jusqu'à une heure_indue la séance dura, La séance dura.
Ce système bien sûr ne fut jamais_admis Par l'imbécile alors recteur d'académie. De l'école,_en dépit de son beau palmarès, On chassa pour toujours notre chère
maîtresse, Notre chère maîtresse.
La cancre fit_alors sa réapparition, Le fort_en thème est redevenu l'exception. A la fin de l'année suivante, quel fiasco ! Nous_étions tous derniers de la classe_ex-æquo, De la classe_ex-æquo !
A l'école_où nous_avons_appris l'A B C La maîtresse_avait des méthodes avancées. Comme_il fut doux le temps, bien_éphémère hélas ! Où cette bonne fée régna sur notre classe, Régna sur notre classe.
Nous empruntons l'ancienne rue Victor Hugo. Hédi notre chauffeur conduit lentement
pour me permettre de me remémorer les lieux. C'est une rue qui a raccourci. Elle a cédé
de l'espace à une place. Je lui demande d'arrêter au bout de la rue, le long du trottoir qui borde la petite Eglise Grecque. Elle n'a pas changé. De l'autre coté de la rue, la porte qui abritait
le commerce de Vins et Huiles de mon oncle, au coin de la rue, est verrouillée d'une grille accordéon. Derrière elle des pans de cartons cachent l'intérieur. Je fais le tour vers la rue qui donne
sur ce qui fut La Nouvelle Cathédrale, qui est toujours aussi laide. Elle fut
construite dans le style des années cinquante en béton armé. Elle a été transformée, depuis l'Indépendance, en Centre de Jeunesse. Je cherche à vérifier ce qu'est advenu du "Sfingi", cet artisan
et artiste dans la préparation des larges beignets dégoulinant d'huile, qui trônait, assis "à la scribe", à la hauteur de son immense friteuse, et je ne découvre, déçu, qu'un fast food qui, comme
partout ailleurs, sert des fricassés. Ce sont des petits pains frits emplis
de thon, qui est un des rares mets que les Tunisiens sont parvenus à conserver de l'excellente cuisine que fut la cuisine juive tunisienne. "Vous ne trouverez plus aucun "sfingi" dans tout Sfax,
me répond le patron du fast food. La mode culinaire à présent est aux sandwiches – non tunisiens - et aux fricassés "!
Nous filons vers Pic Ville. Nous longeons les magnifiques Murailles de la Ville Arabe, la
Médina, qui soignées et rénovées, longées de petits jardins, nous rappellent les batailles que livra la Ville Etat aux corsaires. Nous arrivons au bout de la double avenue bordée de nouveaux
immeubles qui effacent les souvenirs que j'essaie de recréer en vain dans mon imagination. Nous tournons à droite vers Bab Djébli. Notre but est notre villa familiale sur la route de Mahdia. Elle
avait bercé les années heureuses de mon enfance.
Je reconnais, avant de nous engager vers Bab Djébli, le grand espace, à ma gauche, qui est
toujours occupé par des ateliers de réparations mécaniques. Nous dépassons le cinéma Le Majestic. Dans ses beaux jours ce cinéma projetait des films égyptiens avec Farid El Atrache et Samia
Gamal, où Juifs et Arabes se pressaient pour trouver une place. Aujourd'hui il fait fonction de garage, du moins c'est ce qu'il me semble, mais son ancienne enseigne est toujours là.
La région de Bab Djébli s'est transformée du tout au tout. Cette route sur laquelle se déversaient ces petits ateliers "touche-à-tout", où les réparateurs savaient tout
faire, depuis les réparations de pneus usagés (réchappés) jusqu'aux réparations d'appareils ménagers, réfrigérateurs et fours à gaz, dans un chaos indescriptible, est maintenant bordée de
magasins et d'ateliers rangés. Les espaces vides où régnait le désordre, et qui se trouvaient de part et d'autre de la route, sont à présent, à notre gauche, recouverts d'immeubles, et à notre
droite, d'un marché moderne et couvert, qui fait la fierté de la Municipalité.
Tandis que je m'étonne de tous ces changements, nous dépassons le carrefour que coupe la
Route de Tunis qui, après avoir traversé à notre gauche le quartier de Moulinville, continue à notre droite vers le centre ville en longeons ce fameux quartier Juif et Italien de L'Ancienne
Gendarmerie, tout entier supporter du club de foot le S.R.S, le Sfax Railway Sport.
En continuant tout droit nous quittons la route de Bab Djébli et montons sur la Route de
Mahdia.
"Dans deux kilomètres environ, nous serons à la hauteur de la villa, dis-je à mon fils
Gal". Je fais signe à Hédi, notre chauffeur "Hédi, chouiya, chouiya, mat tézriche (Hédi, roule lentement, ne cours pas) !"
C'est incroyable ! Plus le moindre espace libre ! Tout est recouvert d'habitations hautes
ou basses, aux rues étroites, aux minarets multiples ! Le champ de courses a disparu, la "sebha", cette étendue salée qui devenait une grande flaque d'eau en hiver, et sur laquelle nous
naviguions, enfants, sur des radeaux de caisses de bois, a disparu aussi…. Je ne reconnais plus rien ! Mon esprit se brouille et je perds tout sens d'orientation. Je recherche le minaret de
Menzel Chaker, à ma gauche. Mais comment le reconnaître parmi les dizaines de minarets qui ont poussé comme des champignons ! Je me souviens de ce que m'avait dit ma sœur à son retour de Sfax,
frustrée et déçue de n'avoir pu localiser la villa qu'elle avait longuement recherchée : "Elle n'existe plus ! Tout a changé ! Tu ne trouveras rien de ce que tu as
connu !"
Mais je m'entête. C'est là mon moindre défaut ! Certaines sociétés, comme la société israélienne, voient dans cette persévérance, que d'autres nomment "entêtement", une qualité,
non un défaut. Elles y voient de la ténacité, de la constance et du courage, plus que de l'obstination aveugle.
J'ai décidé de la trouver, je la chercherai jusqu'au soir, s'il le faut, et ne renoncerai
qu'avec l'obscurité. Mais mon intuition me dit qu'il ne faut pas que je cède.
La villa donnait directement sur la route, à ma gauche, en roulant vers Mahdia. Or, la
route n'a pas changé d'emplacement : elle est là où l'avaient tracée, d'après la route antique, les entrepreneurs des Ponts et Chaussées du Protectorat. Mais à quelle hauteur sur cette route se
trouve-t-elle, alors qu'aujourd'hui toutes les habitations se télescopent ? J'ai dû la dépasser. Nous retournons sur nos pas, lentement. Je demande d'arrêter. Il me semble reconnaître ce portail
qui donne sur la route. Nous le poussons. Non, la villa que nous découvrons ne lui ressemble guère et se trouve profondément à l'intérieur de la propriété, loin de la route.
Nous photographions, quand arrive, effrayée, chargée d'un sac de provisions, la
propriétaire de la maison. Je la tranquillise et lui dit que je cherche la villa que j'ai quittée, voilà plus de cinquante ans. "Hedia beiti, me dit-elle, anxieuse". Je la tranquillise et lui dit
que personne ne lui conteste sa propriété. Intervient un quidam, qui se mêle à la conversation sans en être invité, et qui certifie que la dame en est bien la propriétaire. Hédi en deux mots fait
taire le nouveau venu qui s'éloigne. Je demande à la dame si Menzel Chaker se trouve bien à 300 mètres environ au sud de sa maison. "Non, me répond-elle, ce quartier se trouve au moins à deux
kilomètres au sud de chez moi !"
Nous roulons de nouveau vers le sud, sur le bord de la route, au pas. Soudain, je lance
un cri: "La voilà". J'ai de suite reconnu le fronton de tuiles vernissées au dessus
du portail de fer forgé. Je
reconnais alors la palissade de fer forgé que, comme le portail, les propriétaires ont
recouvert de plaques de tôle afin de protéger leur intimité des regards des passants. Nous grimpons sur le petit mur qui soutient la palissade, et je la découvre telle que l'avais
laissée.
Elle est là, abandonnée, solitaire, alors que toutes les autres villas qui la côtoyaient
et qui formaient avec elle le Groupe Morinaud ont disparu. Héidi saute la palissade et nous ouvre le portail en utilisant le loquet intérieur. Je fais le tour, ému. Je reconnais chaque coin, je reconnais les grilles des fenêtres, leurs persiennes de bois, le coin de la véranda où
nous passions des heures derrière le perron, à jouer. Les propriétaires ont vendu une partie du jardin sur laquelle on a construit une nouvelle petite maison. Mais presque rien d'autre n'a
changé.
Pendant un long moment je me promène dans le jardin abandonné. Les propriétaires ont
planté des palmiers à la place du jujubier et du mûrier. Seul le tronc du grenadier, scié à sa base, refuse de mourir. De sa souche il relance, après tant d'années, ses rejets !
Je me revois arroser les arbres, construire une cabane sur le puissant mimosa, cueillir
les mûres, les jujubes et les grenades à pleins paniers. Je revois ma mère sur la véranda, accoudée au perron, face au portail grand ouvert, qui "papote" avec une voisine qui
passait.
Je pense à ma communauté qui, pendant plus de deux millénaires, a développé en Tunisie une culture semi autonome - et cependant complémentaire à la culture autochtone, et plus
tard à celle que le Protectorat Français avait installée. Je pense à tous ces biens qu'elle a abandonnés en quittant la Tunisie, biens matériels et spirituels à la fois.
Une certaine tristesse m'envahit, tristesse que je rejette rapidement en pensant à la vie
riche et heureuse, que j'ai construite depuis.
Après avoir photographié, dans le quartier de Menzel Chaker où se trouvait le Bureau
Politique du Néo Destour, la plaque de la rue qui porte son nom, nous nous dirigeons vers le centre ville.
"Nous devons aujourd'hui encore, avant même de déjeuner, rendre visite à mon Lycée, dis-je
à mon fils". Hédi hoche de la tête pour me signaler qu'il a compris mon français. Gal me demande de le dire en hébreu pour mes petits enfants. Pendant tout ce temps, il n'a pas cessé de filmer.
Nous roulons en silence. Ma décision d'exploiter cette journée "À la Recherche du Temps Perdu" ne m'a pas déçu. J'espère que la recherche de demain ira, elle aussi, dans ce sens.
Mais les succès de cette matinée m'ont éprouvé. "Je rumine" les sentiments qui m'ont
accompagné lors de ces évènements "mémoriels" que j'ai reliés aux ancres du "réel". J'en ressens une grande satisfaction intérieure : j'ai surmonté les obstacles qui, hier encore, étaient noyés
dans le brouillard. Je suis parvenu à attribuer à mon enfance un sens, une direction et une signification. J'en suis fier, mais avec humilité. L'humilité du fils face à ce que ses parents ont
accompli.
Celui qui semble être le Proviseur, la terreur disciplinaire des élèves, fait la moue à la
vue de cette équipe qui s'apprête à filmer à l'intérieur du Lycée et me demande
si je possède une autorisation de Monsieur le Directeur qui, aujourd'hui, malheureusement, est absent. Je parlemente avec lui, il se durcit. Je fais le rouleau compresseur en insistant sur le
fait que, dans ce Lycée, j'ai des droits d'Ancien Elève qui y a fait ces Etudes secondaires et passé ses deux Parties de Bac. Avec l'appui de celle qui semble être la responsable de l'Infirmerie, parce que vêtue
d'une blouse blanche, et qui papotait à notre arrivée avec lui et avec deux jeunes adolescentes sur un banc à la Porte de l'Entrée des Profs, je passe, ou plutôt nous passons, et avec nos
appareils.
La cour de ce qui était mon Lycée est bien entretenue, pavée et propre, décorée de petits
drapeaux, comme le sont les établissements publiques. Ses couloirs sont silencieux et en ordre. Mais il semble que sa fonction a changé. A présent il parait être chargé des cours spéciaux, tels
que l'enseignement électronique pour plus jeunes (ordinateurs etc…). L'essentiel du Lycée de Garçons a du être transféré dans le complexe construit sur la route de Gabès, où nous avions passé les
épreuves de la deuxième partie du Bac.
Je demande à mon fils de me suivre et de filmer.
"Je vais "rendre visite" à notre classe de Latin, la classe mythologique de Monsieur
Piolet, lui dis-je. Elle était au numéro 23".
Je fonce sans hésiter. Elle est toujours au numéro 23.
Je demande à la jeune prof et aux jeunes élèves, qui travaillaient sur leur ordinateur, la
permission de photographier. Je la reçois gracieusement. J'ai la gorge qui se noue lorsque je leur désigne la place que j'ai occupée pendant trois ans, il y a 58 ans. J'ajoute un petit speech sur la valeur des
études et sur les efforts qu'il faut investir afin d'être excellent pour réussir dans la vie.
En remerciant la dame à la blouse blanche et le Proviseur, je sens que celui-ci a envers
moi une certaine animosité. Elle est certainement due au fait de l'avoir fait céder. Il me demande, hostile, pourquoi j'ai quitté Sfax si j'y suis tellement attaché. J'évite la longue discussion
politique et je lui réponds "Le mektoub". C'est le mot magique. Il hoche alors de la tête avec respect. Je les entraîne, les deux, dans une conversation philosophique sur l'essence du "mektoub"
et sur la situation de l'homme face à lui. Il n'y a rien de mieux pour créer une atmosphère d'entente et de paix entre les hommes que de parler philosophie. Nous nous quittons amis, et heureux
d'avoir fait connaissance. "Revenez nous voir, me dit la dame en blanc, nous continuerons cette agréable conversation".
(La semaine prochaine, Suite et fin de l'extrait sur Sfax).