Mardi le Canada a célèbré la fête nationale (en anglais :
Canada Day) qui coïncide avec le 1er juillet. Elle correspond à la création de la Confédération canadienne par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui prit effet le 1er juillet
1867.
Bien qu'ils soient une petite minorité, les Juifs ont été importants pour le
développement de ce grand pays depuis le traité de Paris de 1763 (1). Ils se sont illustrés dans toutes les sphères d'activité humaine de la société. La plupart des premiers Juifs canadiens
étaient des marchands de fourrure, des militaires et des propriétaires terriens (2).
Après les États-Unis, Israël, l’ex-URSS et la France, le Canada compte la
cinquième plus grande communauté juive du monde. Ses membres vivent surtout dans les provinces de l'Ontario et du Québec, suivi du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de
l’Alberta.
En 1768 la congrégation Shearith Israël, première communauté non chrétienne et non
autochtone du futur Etat fédéral du Canada, inaugure l’unique synagogue de Montréal.
Avant 1763, le peuplement du pays était réservé aux catholiques, tel que l'avait
décrété Louis XIV en 1663. L'embarquement de la première femme juive Esther Brandeau vers la colonie était en quelque sorte une exception à la règle.
En 1738, arrive en Nouvelle-France Mme Esther Brandeau. Elle est la première
représentante des Juifs à s’y installer. À vrai dire, cette jeune fille était déguisée en garçon et se présentait sous le nom de Jacques La Fargue. Elle a été découverte et on l’a appelée à se
convertir au catholicisme. Mme Esther Brandeau refuse. On exige son expulsion.
Elle dit n’avoir pas d’argent pour payer son voyage de retour, la colonie ne veut
pas créer de précédent en payant le voyage avec ses ressources et Esther Brandeau demeure donc au Québec jusqu’en 1739, date à laquelle elle est reconduite en France aux frais du roi Louis
XIV.
Après la chute du régime français en Nouvelle-France, il n’y avait pas encore de
Juifs au Canada, tandis que parmi les colons britanniques, il y avait 3 000 Juifs en Nouvelle-Angleterre.
C’est en 1763 que M. Lazarus David et son épouse Phoebe, s’établissent à Montréal.
L’année suivante, le 14 octobre 1764 naît David David, le premier Juif né dans la province de Québec.
Cinq ans plus tard, en 1768, la première synagogue est fondée au Canada, organisée
par les Juifs issus de la communauté juive espagnole et portugaise, arrivés à Montréal. C’était une synagogue de rite sépharade. Le 22 octobre 1776, David Lazarus est inhumé à Montréal et le
premier cimetière juif en Amérique du Nord s’ouvre, à l’angle des rues Saint-Janvier (aujourd’hui, La Gauchetière) et Saint-François-de-Sales (aujourd’hui, Peel). L’année suivante la première
synagogue s’ouvre à Québec, à l’angle de la rue Saint-Jacques et de la rue Notre-Dame.
À partir de ce moment, les Juifs ont joué un rôle important dans le pays. La
première nomination importante d’un Juif à un poste public eut lieu en 1790, quand John Franks est nommé chef de la brigade anti-incendies de Québec. L’importance de cette nomination est encore
plus grande si on se souvient des ravages causées par les incendies à cette époque où tous les bâtiments ou presque étaient en bois.
En 1806, le nombre des Juifs au Canada atteint 100 personnes. Et en 1807, M.
Ezechiel Hart est élu député de Trois-Rivières à la Chambre de l’assemblée du Bas-Canada. Mais il n’est pas autorisé à siéger à la Chambre de l’assemblée parce que les Juifs n’ont pas le droit
d’être élus députés dans l’Empire britannique. Ezechiel Hart n’abandonne pas et les citoyens de Trois-Rivières le réélisent une autre fois ! Mais le gouvernement insiste en ne reconnaissant pas
son droit d’être député.
C’est seulement en 1832 que, sur proposition du député John Neilson, appuyé par le
député Louis-Joseph Papineau, les Juifs se voient accorder tous les droits et privilèges dont jouissent les citoyens du Bas-Canada dont celui de siéger comme député.
En 1832, l’Assemblée législative de la province francophone du Québec vote
en faveur de l’émancipation politique des Juifs, ce qui fait d’elle le premier territoire de l’Empire britannique à adopter une telle loi, plus d’un quart de siècle avant l’Angleterre
elle-même. Les Juifs se voient ainsi accorder tous les droits et privilèges dont jouissent les citoyens au Canada dont celui de siéger comme député. Deux années plus tôt, ils
avaient eu droit à une exemption au serment religieux prononcé en Chambre. À la même époque, Samuel Liebshitz fondait un quartier juif à Kitchener, en Ontario.
Un des Juifs les plus célèbres du Québec était M. Moses Judah Hays (ou Hayes) né à
Montréal en 1789. Il conçoit et construit le premier aqueduc à Montréal en 1833 et il construit en 1848 un théâtre spacieux. En reconnaissance des services qu’il n’avait cessé de rendre à la
municipalité, il fut nommé chef de la police municipale en 1845, poste qu’il occupa durant seize ans, jusqu’à sa mort en 1861.
À la fin du XIX siècle, notamment en 1897, la première publication d’un journal
juif en langue anglaise, apparaît - Canadian Jewish Times - dirigé à Montréal par Hirsch Wolofsky et dix ans plus tard, la première bibliothèque juive au Canada s’ouvre à
Montréal.
En 1899, La Fédération des Sociétés Sionistes Canadiennes (fondée deux ans après
le premier Congres Sioniste Mondial) devient la première association juive du Canada d'envergure nationale. Le mouvement sioniste s'attire un soutien important, y compris celui de
nombreuses personnalités de hauts rangs.
Avant 1850, la population juive était estimée à seulement 450 habitants.
Aujourd’hui la communauté est estimée à environ 260.000 Juifs répartis dans tout le Canada. Ils sont représentés à travers 2 grandes organisations principales : le Congrès Juif Canadien,
organisme de défense des intérêts de la communauté juive du Canada, qui agit au nom des fédérations juives du pays depuis 1919, et le Bnai Brith national. Ces institutions stimulent le
développement d’une créativité culturelle et religieuse et font de Canada un pays qui contribue grandement au rayonnement de la culture juive en Amérique du Nord et dans le
monde.
La communauté juive constitue un élément essentiel de la société canadienne
depuis plus de deux siècles. Les Juifs qui viennent s’installer au Québec au dix-huitième siècle et au début du dix-neuvième siècle y trouvent un milieu accueillant dans la plupart des cas et
contribuent à la croissance économique et sociale de la région.
En 1934, le Jewish General Hospital de Montréal avec 205 lits ouvre ses
portes, à l’angle des rues Côte-des-Neiges et Côte-Sainte-Catherine (cette institution est ouverte à tous les malades indépendamment de leur race, leur religion ou leur
origine).
Au cours de la deuxième guerre mondiale de 1939-1945, 16 680 Juifs canadiens
servent dans les Forces armées canadiennes dont 10 440 dans l’armée de terre, 5 870 dans l’aviation et 570 dans la marine, 421 Juifs périrent au combat dont 104 natifs du
Québec.
D’ailleurs un Musée commémoratif de l’holocauste à Montréal rappelle
cette période historique effroyable (3). Le musée informe sur le génocide de millions de Juifs effectué par l’Allemagne nazie et ses collaborateurs, de 1933 à 1945. Il présente les événements
cataclysmiques de l’Holocauste dans le contexte de Montréal, où vivent plusieurs milliers de survivants, soit la troisième plus forte concentration de survivants au monde. Le musée relate aussi
l’histoire de l’holocauste du point de vue de ces survivants qui ont fait du Canada leur nouvelle patrie. 40 000 survivants de l'Holocauste sont venus à la fin des années
1940.
D’ailleurs avant même la Shoah (à partir des années 1880) de très
nombreux Juifs quittèrent La Russie pour fuir les pogroms (4) préméditées et menées à l'instigation de la police tsariste avec l'aide de populations locales contre les communautés juives
d'Europe. Les États-Unis apparaissaient à ce moment comme une destination de choix, mais le Canada a aussi accueilli de nombreux immigrants. Ainsi, en 1930, le nombre de Juifs atteignait le
nombre de 155 000 habitants au Canada.
Plus tard, dans les années 1950, plusieurs milliers de Juifs ont émigré du
Maghreb, en particulier des Juifs marocains pour s'établir à Montréal, où la langue française leur permettait de s'adapter rapidement. En tout, la population juive d'après guerre est passée de
170 000 à 260 000 habitants. Plus intégrée à la vie canadienne qu'auparavant, son statut de minorité est officiellement valorisé par la politique canadienne de multiculturalisme inscrit dans la
constitution canadienne depuis 1971 par Pierre Elliott Trudeau.
Ftouh Souhail , Tunis
(1) Le traité de Paris de 1763 met fin à la guerre de Sept Ans et
réconcilie, après trois ans de négociations, la France, la Grande-Bretagne et l'Espagne. La guerre de Sept Ans (1756-1763) fut un
conflit majeur du XVIIIe siècle souvent comparé à la Première Guerre mondiale par le fait qu’il s’est déroulé sur de nombreux théâtres d’opérations (Europe, Amérique du Nord, Inde) et se
traduit par un rééquilibrage important des puissances européennes.
(2) Quand Jeffrey Amherst eût envahi la ville de Montréal en 1760, plusieurs de ses officiers étaient des Juifs, dont Aaron Hart, Hananiel Garcia, et Isaac Miramer. Ezekiel Hart, le fils d'Aaron Hart, siègera avec l'Opposition à la Chambre d'assemblée du Bas-Canada, une première dans l'histoire de l'Empire britannique. À
Québec, le premier habitant juif est Abraham Jacob Franks.
(3) Musée commémoratif de l’holocauste à Montréal : Site Internet : www.mhmc.ca
(4) La première vague de massacres désignés comme pogroms eut lieu entre 1881 et
1884. Le mot pogrom est d'origine russe (погром), où il désigne un assaut, avec pillage et meurtres, d'une partie de la population contre une autre. Il est passé dans d'autres langues pour
désigner un massacre de Juifs en Russie. Les Juifs sont rendus responsables de l'assassinat du tsar précédent. La politique du
gouvernement au sujet des Juifs tient dans ce programme : « Un tiers des Juifs sera converti, un tiers émigrera, un tiers périra ». En 1881 éclatent plus de cent pogroms.