Souvenirs de Tunisie, dialogues, cuisine, littérature, poésie, divers
Zaifrana, Petit Grain de Safran
Un riche marchand a une fille tellement comblée de dons et de bonnes aptitudes, qu’il
refuse de la donner en mariage à quiconque, mais seulement à celui qui lui paierait 500 écus d’or pour sa beauté et sa longue chevelure, 500 écus d’or pour sa sagesse et son habileté manuelle et
encore 500 écus d’or pour son esprit, ses qualités d’âme et sa perfection.
Ces exigences arrivent aux oreilles du Prince qui décide de demander sa main. Il envoie son homme de confiance faire le nécessaire et en soulignant que sa seule condition est qu’il viendrait seul pour emmener sa femme. Les corbeilles traditionnelles arrivent à la maison de la fiancée en même temps que la somme d’argent demandée en plus de maints cadeaux. Tout ce qui doit être réalisé est fait promptement et le mariage a lieu dans l’intimité. Le Sultan ne sait rien de ce qui se trame : Le Prince pensant que son père s’opposerait à son projet, s’il en avait connaissance.
L’époux n’amène pas sa femme au palais royal comme il se doit, mais voulant l’éprouver l’enferme dans une matmoura, cave souterraine, dont il est le seul à avoir la clef. Il place une plaque de fer sur le soupirail pour qu’elle ne puisse pas contacter les gens passant dans la rue. La jeune mariée est ainsi cloîtrée habillée de sa robe nuptiale, encore maquillée et coiffée. Pour tout repas elle trouve du pain et des olives. Le fis du Sultan ne ferme pas l’œil de la nuit, anxieux de savoir quelle a été la réaction de son épouse. Au petit jour il envoie son fidèle serviteur lever le panneau d’acier fermant le soupirail pour demander à la princesse si elle voulait parler avec son maître. La réponse étant affirmative le mari s’enquiert de la santé de sa femme à travers le hublot.
— Zâïfrana où en es-tu ?
— Je place ma confiance et mon espoir en notre Seigneur !
— Zâïfrana, ne t’es tu pas ennuyée ?
— Mes louanges à Dieu pour ce qu’il m’alloue !
— N’as-tu pas faim Zâïfrana ?
— J’ai mangé et il en reste Grâce à Dieu !
Plusieurs fois par jour le fils du Sultan vient poser ses mêmes questions et obtient les mêmes réponses. Il lui fait parvenir des nouvelles provisions de pain et d’olives, chaque fois qu’il pense
qu’elle en a besoin. Beaucoup de temps passe ainsi.
Un jour la jeune femme pense à considérer les murs de sa prison. Elle cherche tâtonnant dans
l’obscurité, jusqu’à trouver un jour un mur s’effritant d’humidité. Elle gratte de ses doigts une semaine durant et elle réussit enfin à creuser une faille laissant paraître une fine lumière
filtrant du mur. Elle dresse l’oreille, entendant des sons, colle l'oreille et la a presse contre le mur et entend - quelle joie, la voix de sa nourrice. En regardant bien, elle reconnaît la
cuisine de la maison paternelle. Elle appelle, la nurse prend peur pensant que les jnouns, les mauvais génies ne se manifestent et elle se sauve. Le secours arrive bientôt et une grande
pierre est descellée puis une autre et Zâïfrana peut entrer chez elle.
Ses parents la couvrent de baisers et de chaleur humaine, la trouvent bien amaigrie après tant de diète. Après une bonne toilette et bien habillée elle prend un excellent repas réconfortant et
elle raconte enfin ses mésaventures, sa nuit de noces dans un caveau et la conduite bizarre de son époux. Son père fâché veut aller de suite chez le Sultan mais Zâïfrana le retient :
— Papa laisse moi mener cette bataille à ma façon, j’aurais le dernier mot, je te l’assure !
Ensuite elle retourne dans sa cave, remettant sur elle ses défroques, les pierres enlevées reprennent
leurs places. Quand le fils du Sultan revient la voir et lui poser se questions habituelles, il la trouve comme toujours près du soupirail et elle lui répond pareillement à son
habitude.
Désormais elle vit chez ses parents, jouissant du bienfait du hammam, mangeant une nourriture nourrissante, s’habillant bien et ne retournant à la matmoura que lorsque le Prince vient la
visiter.
Lisez la suite prochainement, ne la manquez pas !